karoshi 15 : des vertes et des pas mûres

Avant mon départ au Japon, on m'avait prévenu : si mon idéal féminin était une grande blonde aux yeux bleus, j'étais mal parti. Et j'ai pu constater de visu – les japonaises ont peu de chose à voir avec les suédoises. Ici, la norme est plutôt du style petite et les cheveux noirs ... du moins en théorie.

En effet, si les premiers jours passés à Tôkyô semblent confirmer l'idée reçue que « les japonais sont tous petits et jaunes », on découvre très vite qu'ils sont loin de tous se ressembler, et qu'il existe à peu près autant de types physiques que de couleurs de cheveux incroyables.

Dans un but illustratif autant que culturel (au moins, vous pourrez dire que la lecture du Karoshi Report n'est pas seulement distrayante, mais également instructive), il nous faut faire un petit détour dans l'histoire de l'archipel nippon. Le Japon était peuplé à l'origine par une peuplade appelée « Ainu », et qui ne subsiste plus aujourd'hui qu'au nord, dans l'île d'Hokkaidô. Mais par la suite, plusieurs vagues d'invasions diverses et variées ont réalisé un brassage racial plus que conséquent, dont le résultat (unique et pourtant multiple) peut désormais être admiré dans les rues de Tôkyô.

Même si certains traits restent dominants – les cheveux noirs en premier lieu – on peut constater de grandes différences, tant pour ce qui est des yeux bridés que de la couleur de la peau – du type presque afro ou polynésien, au teint très mat et aux lèvres pleines aux visages lunaires aux yeux très bridés et au teint laiteux ... et même des visages qu'on serait bien incapables de reconnaître comme asiatiques.

Mais je le reconnais, dans toute cette diversité japonaise, aucune grande blonde aux yeux bleus. Ben non. Pas de grande blonde aux yeux bleus, mais de temps en temps, une petite blonde aux yeux noirs (et bridés). Ce qui me permet de retomber habilement sur mon sujet premier, les couleurs de cheveux des japonais.

Certains d'entre vous, une fois dépassée l'innocence de l'enfance, s'étaient sans doute inquiétés de la quantité de personnages de dessins animés qui arboraient fièrement une chevelure mauve ou rose. Joli sans doute, mais pas forcément réaliste, pensiez-vous. Hélas ! C'est là une occasion de plus de se rendre compte de l'étrangeté de la société japonaise. Car à Tôkyô, en matière de cheveux, on en voit de toutes les couleurs.

Du bleu électrique au vert le plus pomme en passant par les « impressions soleil levant » capillaires, il y en a pour tous les (dé)goûts. Mais là où l'on pourrait penser que de telles excentricités sont limitées aux plus extrêmes des originaux nippons, on découvre bientôt que la mode des cheveux teints est contagieuse et qu'elle n'épargne personne – on en vient même croiser des petites vieilles ridées comme des vieilles pommes et courbées comme des ceps de vignes, qui arborent au-dessus de leur kimono traditionnel une chevelure d'un violet du plus bel effet.

Et si les couleurs les plus surprenantes suscitent encore une réaction (Oh! la belle bleue ...), on ne compte plus les chappatsu, ou « cheveux couleur de thé ». Allant des simples reflets bruns aux roux les plus fauves, en passant par l'or sale des élégants nonchalants de Shibuya, les japonais jouent la carte du multicolore pour égayer la grisaille du quotidien.

Quant à moi, ce n'est pas demain la veille que je vais me plier aux exigences de la mode nippone. Au-dessus de la marée désormais brune avec des éclats arc-en-ciel, aucun problème pour repérer ma crinière argentée. Et c'est pas plus mal comme ça.