karoshi 67 : perdu de vue « Merci de m'avoir suivi tout ce temps. Même s'il y a peu de chances que nous nous rencontrions à nouveau, si jamais vous m'apercevez, dites-moi un petit mot. Merci encore, et au revoir. » Pas vraiment besoin d'en rajouter au contenu de ce mail (que j'ai reçu sur mon téléphone le week-end dernier) l'auteur en est Tashiro Masashi, amuseur public désormais en disgrâce. Après avoir été surpris en train d'essayer de filmer sous les jupes des filles à l'aide d'une caméra cachée dans un sac, il avait l'an dernier effectué une longue traversée du désert. Ce n'est qu'en Juin, après plus de neuf mois de purgatoire cathodique, qu'il refaisait son apparition sur le petit écran. Mais voilà qu'en Décembre, le monsieur récidive coupable cette fois-ci d'avoir jeté un coup d'oeil indiscret par la fenêtre d'une salle de bain. Les choses n'en resteront d'ailleurs pas là, puisque la suite de l'enquête le verra également inculpé de « détention de stupéfiants ». Autant dire que la carrière de « Maa-shii » devant les caméras (et derrière aussi sans doute) est bel et bien terminée car si le Japon est prompt à consacrer ses vedettes, il est tout aussi rapide à les désavouer. Ils sont pourtant bien nombreux, les talento qui naviguent d'émission en talk-show, faisant parfois un petit détour par les écrans publicitaires. Au passage, ne vous laissez pas leurrer par cette appellation le seul « talent » que l'on puisse leur reconnaître généralement, c'est d'être suffisamment télégéniques et drôles pour avoir le droit de revenir la semaine suivante. Pas vraiment acteurs (même s'il leur arrive de tourner dans un drama), rarement chanteurs (ce qui ne les empêche pas de pousser la chansonnette à l'occasion), parfois comiques ou piquants, ils font partie d'un petit monde doré, d'un Olympe où chacun rêve de se retrouver un jour. Certains sont là depuis une éternité et ne sont visiblement pas près de disparaître, alors que d'autres connaissent des carrières dignes d'une étoile filante. Ainsi passent les Idols et autres Campaign Girls, au gré des modes et des saisons, suivant les humeurs d'un public dont les coups de foudre sont souvent aussi fulgurants qu'incompréhensibles. Ainsi la dernière révélation en data, la (plus très jeune) Igawa Haruka, qui du haut de ses 25 printemps est en train de parader sur les couvertures de journaux. Elle avait fait des débuts timides il y a trois ans pour vanter les bienfaits de la bière Asahi, avant de se reconvertir chez Aderans, compagnie de « remise en cheveux » pour salarymen dégarnis. Mais curieusement, il a fallu quelque temps avant que l'on ne se rende compte que si les implantations capillaires clairsemées n'avaient pas grand'chose de sexy, il en était tout autrement de la miss Haruka. Ce fut chose faite à l'automne dernier, quand elle se retrouva l'objet d'un engouement massif, soudain et inexplicable. Jusque là condamnée aux blouses blanches et aux poses « corporate », la demoiselle prenait enfin ses aises, redorant le blason des cours de Français de la NHK, batifolant dans une publicité pour boisson énergétique, et déclinant les tenues plus ou moins déshabillées dans les pages couleurs des hedbomadaires masculins. Qu'elle en profite selon les études savantes faites sur le sujet, la durée de vie moyenne d'une Idol tourne autour de trois (trop courtes) années. On aurait pu croire que les SMAP se trouvaient quelque part au-dessus du lot, dans une catégorie bien à eux. En effet, le groupe de cinq garçons (Sports Music Assemble People) domine depuis une dizaine d'années le Paysage Audiovisuel Nippon à tel point qu'ils comptaient neuf participations successives au Kôhaku Utagassen, l'émission-phare de la Saint-Sylvestre qui récolte généralement plus de 60% d'audience. Mais voilà, cette année, le drame, une époque qui disparaît, une page de l'histoire de la télévision japonaise qui se tourne les SMAP ne sont pas venus au rendez-vous annuel. La faute en incombe à Inagaki Goro, abonné jusqu'alors aux rôles de ténébreux romantique. Las, il a suffit de la soirée du 24 Août 2001 pour qu'il se retrouve dans la peau d'un criminel en cavale. Surpris à Shibuya en flagrant délit de stationnement interdit, le jeune homme a un peu perdu les pédales avant d'écraser celle de l'accélérateur, et d'essayer de prendre la fuite devant les policiers qui venaient de lui demander ses papiers. Un coup d'éclat qui serait resté sans suite, s'il n'avait blessé une gardienne de la paix dans l'action, ce qui précipita son arrestation. Depuis, plus de nouvelles. Pire, on pourrait même se demander s'il y a jamais eu un Inagaki Goro dans les SMAP. Du jour au lendemain, le cinquième homme a disparu des ondes. Annulé, le drama grand spectacle dont il devait jouer le rôle principal. Supprimée, la campagne de publicité dont il était l'effigie. Réorganisé, le groupe auquel il appartenait mais déjà on commençait à douter, à se demander si les SMAP n'ont pas toujours été quatre. Au fil des émissions, cette impression étrange qu'il manquait quelqu'un (mais qui, déjà ?) a fini par s'estomper, et ce n'était plus qu'un sentiment fugitif quand en Décembre paraît Snap, recueil de photos prises « sur le vif » montrant les SMAP unis comme les ... quatre doigts de la main. Il faut bien le reconnaître, la situation avait quelque chose de surréaliste, à se demander si l'on n'avait pas fait un détour malencontreux dans l'univers effrayant de Brazil. Mais heureusement, les dieux du petit écran savent parfois faire preuve de miséricorde, et après pas mal d'atermoiements et de rumeurs alarmantes, Inagaki Goro (dont l'incartade n'avait finalement pas eu de suite judiciaire) s'est vu accorder une seconde chance. Et le 14 Janvier de cette année, au cours d'une émission spéciale diffusée en direct, on l'a vu monter seul sur scène, la gorge serrée et le pas mal assuré, afin de venir présenter ses excuses publiques et solennelles. Chacun a retenu son souffle, a écrasé une larme et encouragé silencieusement le pauvre Goro qui, la voix tremblante, nous assurait qu'il avait bien compris la leçon et qu'on ne l'y reprendrait plus. Les autres SMAP sont montés sur scène à leur tour, et l'on a enfin consommé le retour de l'enfant prodigue. Au passage, l'émission a réalisé ce soir-là une audience record (pas moins de 34%) et continue depuis à fréquenter les sommets de l'audimat. Les SMAP sont à nouveau cinq tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Alors, à ceux qui s'inquièteraient de savoir si mon long silence n'aurait pas à voir avec quelque délit que j'eusse commis, je tiens à les rassurer. Point de méfait inavouable ou de condamnation honteuse, j'ai tout simplement été arrêté ... par le manque d'inspiration. Mais après tout, cela fait plus de trois ans que je me trouve au Japon peut-être devrais-je penser, moi aussi, à me recycler ... |