karoshi 5 : fashion victims

On pourrait penser que les rues de Tokyo ne sont peuplées que de salarymen en costume sombre, armée de fourmis industrieuses se rendant comme un seul homme au travail tous les matins, pour n'en revenir que tard le soir – après un repas bien arrosé et un détour par le karaoke le plus proche. Mais il en est bien autrement, comme vous allez pouvoir le constater ...

Je dois reconnaître qu'un moment, alors que je voulais me divertir un peu et profiter de la douceur des nuits de ce mois de Novembre, je me suis posé la question de mon « look » – histoire de paraître sous mon meilleur jour et de mettre tous les atouts de mon côté pour mieux découvrir la culture japonaise.

Après une période d'observation des moeurs des jeunes Tokyoites branchés, j'ai réussi à identifier les trois espèces suivantes :

- les « élégants négligés » (également surnommés : « les branleurs »)

Les spécimens mâles de cette première catégorie portent généralement un costume sombre sur une chemise colorée, largement ouverte sur leur torse imberbe. Ils ont les cheveux longs jusqu'aux épaules, arborent un petit air supérieur et fument abondamment. Ils ne dansent pas le Mia, mais c'est tout comme.

Les spécimens femelles arborent par contre des bottes très hautes (montant jusqu'au mollet, perchées sur des talons d'une quinzaine de centimètres), des jupes très courtes et des cols-roulés noirs, de temps en temps un chapeau rigolo (cow-boy, par exemple), le tout surmonté d'un grand imperméable noir descendant jusqu'au sol. Souvent, on les voit porter de la fourrure : presque toujours du léopard, mais avec des variations dans la couleur pouvant aller du brun presque naturel au bleu électrique forcément artificiel.

Fréquemment, mâles et femelles confondus se teignent les cheveux, mettant quelques mèches blondes à leur crinière noire – pour un résultat étrange proche de l'argent patiné. Par ailleurs, les spécimens femelles ajoutent presque toujours quelques touches de couleur bleue ou argentée sur leurs paupières, sans doute pour attirer les mâles durant la saisons des amours. L'intérêt esthétique de certaines de ces coutumes m'échappe encore ...

- les « urban groovy » (également surnommés : « les bobs »)

La montagne est loin, la baie de Tokyo n'est pas particulièrement réputée pour ses vagues, et pourtant ... les surfeurs sont là ! Avec une majorité de spécimens mâles, les « urban groovy » portent fièrement les baggy – pantalons trop larges de trois ou quatre tailles, les pulls hyper amples et les petits colliers pseudo-hawaïens (une simple perle de verre sur un lacet de cuir).

Contrairement aux « élégants négligés », ils affectionnent les cheveux courts en bataille, très souvent blondis (par le soleil et le sel de la mer sans doute ... hum !). De plus, ils portent de temps en temps de petites lunettes aux verres oranges ou mauves, histoire de voir la vie d'une autre couleur.

Mais le signe auquel on reconnaît sans problème un « urban groovy », c'est sans conteste son couvre-chef. En effet, même si on le retrouve aussi sur les têtes des écolières et des grand'mères, le bob a été unanimement adopté par cette communauté étrange. Oui, vous avez bien lu : le bob. Celui que l'on met quand on va à la pêche, ou quand il y a du soleil et qu'on n'a pas d'autre choix que de mettre le bob Ricard qu'on a gagné au concours de pétanque la veille. Un rien ridicule, donc. Mais ici, visiblement, le bob se fait branché. Allez comprendre ...

- les « incroyables » (également surnommés : « oh ! la belle bleue ... »)

Alors que, passée la première surprise, on réussit à s'habituer aux « élégants négligés » que l'on croise attendant en groupe devant les nightclubs, ainsi qu'aux « urban groovy » que l'on voit arpentant les rues de Shibuya trois par trois, je ne peux toujours pas m'empêcher de me retourner sur le passage des « incroyables ».

Il est difficile de décrire la tenue plus ou moins standard des « incroyables », vu que justement, tout leur charme réside dans la surprise et l'inédit, dans l'inconcevable et l'inimaginable. Bref, du genre qui vous pousse à vous demander si, par hasard, ce n'était pas aujourd'hui le jour du Carnaval.

Quelques éléments épars tout de même, afin de vous donner un soupçon d'idée de ce qu'un(e) « incroyable » peut porter ...

Un petit bonnet à oreilles de lapin, posé sur une chevelure bleu électrique ;

Des chaussettes de sorcière rayées de noir et de rouge, montant jusqu'à mi-cuisse ;

Un pantalon écossais sous une jupe plissée ;

Des bottes de motard montantes perchées sur un bloc rectangulaire de caoutchouc de 5cm d'épaisseur ;

Un boa en plumes orange fluo ;

Des pantalons argentés, modèle « combinaison spatiale » ;

Des robes à franges, typiquement made in Tibet ;

Une coiffure à la Dragon Ball, des pointes dans tous les sens ;

La liste pourrait être longue ...

Après ces constatations diverses qui seront sans doute très rapidement obsolètes, je dois avouer que j'ai pris une décision : ignorer la mode. Et finalement, ça vaut sans doute beaucoup mieux pour moi.