karoshi 41 : jours de fêtes ?

La fin d'année approche, et avec elle se profile à l'horizon la cohorte habituelle des foies gras, oies farcies et autres boîtes de chocolats, bref tout ce qu'il faut pour réussir à se protéger activement des rigueurs du climat ... avant d'en regretter les effets secondaires sur notre silhouette, mais c'est une autre histoire qui attendra le printemps.

Cette année, qui plus est, l'événement se retrouve revêtu d'une dimension supplémentaire avec la fin du millénaire. Les pinailleurs auront beau arguer que non, le prochain millénaire ne commence pas le 1er Janvier prochain, mais bien le suivant, toujours est-il que tout le monde va profiter du prétexte pour festoyer (et s'empiffrer) de plus belle. Tout le monde ? Et bien pas vraiment ... car il faut bien dire qu'au Japon, cette fin de millénaire ne semble pas déchaîner les passions, et Décembre se montre finalement bien sage.

Pour leur excuse, il faut signaler que même si l'an 2000 pointe son nez presque partout dans le monde, le Japon s'apprête seulement à entrer dans la douzième année de l'ère Heisei – « ère de la paix rayonnante », dont le début correspond à l'accession au trône de l'empereur en cour(s).

Ce système de datation particulier réserve d'ailleurs quelques surprises pour l'occidental non-initié. Lorsque l'on fait passer des entretiens pour un recrutement, il est en effet toujours un peu bizarre de découvrir que le petit jeûnot en face est né (CV à l'appui) en 48, jusqu'à ce que l'on se fasse expliquer qu'il s'agit de Shôwa 48 (ce qui, tout de suite, vous éclaire) et que cela correspond dans les pays civil... pardon, chez les gens norm... euh... enfin bref, qu'ailleurs cela correspond à 1973.

Ces petits détails mis à part, la conséquence principale en est que « Heisei 12 » a forcément un impact symbolique beaucoup moins important que « l'an 2000 » ou encore « Year 2K » comme disent les américains. Et que même si douze est un joli nombre, il n'y a pas là de quoi en faire toute une histoire – on fera juste la fête, pour ne pas être en reste. Et l'on pourra toujours se consoler en se disant que, tout de même, « l'Année du Dragon », ça sonne bien.

A défaut de fin de millénaire, il reste toujours Noël. Oui, mais. Il faut bien se rendre à l'évidence qu'ici, Noël est un produit d'importation que l'on consomme pour se distraire un peu de la grisaille du mois de Décembre. Que voulez-vous, dans un pays où seuls 0,2% de la population sont chrétiens, on ne peut pas dire que Noël fasse vraiment partie des traditions – d'ailleurs, le 25 Décembre n'est même pas férié (alors que le 23 l'est, et que la faute en revient encore à l'Empereur dont c'est l'anniversaire).

Néanmoins, à la manière dont l'Europe s'est emparée d'Halloween ces dernières années, le Japon a adopté Noël et ses coutumes amusantes. Pour se mettre dans l'ambiance, les magasins se font un malin plaisir de diffuser toute la journée les grands classiques des réveillons, depuis Mon beau sapin dans une version (très) originale pour harmonica, jusqu'au Last Christmas de Wham! (interprété par une chorale de petits chanteurs, effet garanti).

Les décorations sont également de saison, mais on serait bien à mal de trouver l'équivalent des Champs Elysées illuminés sur toute leur longueur : ici, c'est chacun pour soi. Les magasins les plus luxueux sortent le grand jeu et les guirlandes, le summum étant les sculptures de lumière que l'on trouve devant Takashimaya, à Shinjuku. Pour les plus modestes, un sapin chantant ou le très populaire « Santa dansant » (avec son déhanchement terriblement sensuel) suffira pour égayer une devanture.

Et pourquoi donc se limiter à la devanture ? Après tout, les filles choisissent de se marier à l'église parce que la robe blanche est jolie, on ne voit pas pourquoi les Japonaises se priveraient d'une occasion de s'habiller en Santa Claus (mais en mini-jupe et sans la hotte, ce qui est quand même beaucoup plus sexy). Pour la plupart, il est vrai, il s'agit d'un uniforme strictement professionnel, histoire d'être en tenue de circonstance pour distribuer des prospectus. Mais il arrive aussi de rencontrer quelques spécimens à l'état naturel, ce qui est beaucoup plus inquiétant ...

Si on aurait du mal à trouver l'esprit de Noël au Japon, il y a tout de même beaucoup plus de monde qu'à l'accoutumée dans les magasins – ici, à défaut du 25 Décembre, c'est généralement le Jour de l'An que l'on passe en famille. Et, signe certain de mon adaptation croissante à la culture japonaise, je vais faire de même et rentrer au pays. En attendant le prochain karoshi report (courant Janvier, sans doute), il ne me reste plus qu'à vous souhaiter, comme on dit ici aussi, un « Happy Millenium ».