karoshi 35 : « moshi moshi »

L'été est là, et les nouvelles modes ont fait leur apparition. Difficile d'ailleurs de les ignorer – il semblerait que tous et toutes se soient donné le mot pour, brusquement, changer du tout au tout leur garde-robe. Les Shibuya-girls, hier encore en petites robes aux couleurs « seventies psychédéliques », ont désormais adopté le look hawaïen, collier de fleurs en option, le regard souligné de paillettes et de grosses larmes brillantes. La couverture du mensuel Cawaii, d'ailleurs, les encourage dans cette direction : « Hey girls, stay cool to be real ». Dieu sait ce qui nous attend le mois prochain ... Mais si les modes changent et se succèdent, il est des accessoires indispensables qui ne sauraient être délaissés. Et, il faut bien le reconnaître, aujourd'hui, pour être branché, il faut être sans fil.

D'ailleurs, les publicités ont tôt fait de vous le rappeler : il vous FAUT un téléphone portable. Et pour vous convaincre, les voilà qui sortent les arguments de poids, en la personne d'ambassadrices jeunes et (forcément) jolies, dont on retrouve les portraits partout, des affiches dans le métro à la carlingue d'avions de ligne. Vaincu par le matraquage, on hésite alors, avec l'embarras du choix : va-t'on prendre un J-Phone (avec la pulpeuse Fujihara Norika), ou se décider pour Tu-Ka (et l'élégante Mizuki Arisa), ou encore craquer pour DoCoMo (et la jeune Hirosue Ryôko) ?

Bien sûr, la déception est au rendez-vous lorsque l'on découvre que la demoiselle en question n'est pas comprise dans l'abonnement ... Mais ce détail n'a pas l'air d'affecter beaucoup les japonais, qui sont désormais massivement équipés en keitai de tous modèles et de toutes marques. En Mars dernier d'ailleurs, le nombre d'utilisateurs de téléphones portables s'élevait à près de 42 millions au Japon – soit un habitant sur trois.

S'il arrive parfois de croiser un honorable japonais en kimono sombre, portant fièrement sa quarantaine grisonnante et arborant un téléphone portable coincé dans sa ceinture traditionnelle, il est clair que c'est la jeunesse qui se trouve la plus touchée – une enquête révélant même que le keitai était le gadget favori des garçons de 14-16 ans. Et il est difficile de résister à l'émerveillement (ou l'horreur, c'est selon) lorsque dans le train de banlieue, l'on croise un gamin de moins d'une dizaine d'années qui, le téléphone coincé au creux de l'épaule, répond avec un rien d'exaspération blasée aux questions de sa mère tout en continuant à jouer à la Game Boy. La prochaine génération sera cyber, cela ne fait aucun doute.

Pour expliquer ce succès, il faut reconnaître que les Japonais font bien les choses. Ici, la notion de téléphone « portable » prend tout son sens – et non pas « transportable », avec toutes les poches déformées que ça implique. Avec un record à 62g, le keitai Japonais est petit, léger, et disponible en des dizaines de modèles et de coloris différents. Bref, idéal pour le glisser dans une poche, le porter accroché autour du cou ou le perdre dans son sac à main ...

Mais le keitai ne serait pas aussi couru s'il n'était pas fourni avec tout un tas d'options totalement inutiles et donc parfaitement indispensables. On peut donc y lire l'heure, y stocker les numéros de ses conquêtes, voire même consulter les horaires de train. Mais certains modèles proposent aussi de petits jeux, style Tetris, histoire de passer le temps dans le métro. D'autres vous permettent de changer leur sonnerie grâce à de petites cartouches achetables dans toutes les bonnes crèmeries, proposant tous les derniers tubes du moment.

Mais il y a mieux encore ! Munissez-vous d'un petit clavier en plastique, pas plus lourd que le téléphone et à peine plus grand, et vous voilà en train d'envoyer des mails, d'où que vous puissiez être. Achetez la micro-caméra du Tu-Ka, et vous pouvez faire admirer le paysage à vos amis, grâce à l'écran minuscule du portable, format timbre-poste en noir et blanc. Enfin, nec plus ultra, armé de la Wonderswan (la petite console de Bandaï, nouvelle rivale de la Game Boy), vous voilà prêt à explorer les étendues sauvages d'Internet. Cyber, je vous dis.

Bien sûr, tout se paye. Et l'on s'en rend bien vite compte lorsque la douloureuse arrive en fin de mois – car si le téléphone est léger, la facture est souvent lourde. Qu'importe, du moment que le futur est à portée de main ...