karoshi 29 : communication de l'office du tourisme

Les grandes vacances arrivent, l'été est là, et vous envisagez sans doute d'aller faire un tour ailleurs, histoire de se rappeller qu'il existe un monde au-delà des murs gris de votre bureau, loin de l'univers lisse et high-tech de votre écran d'ordinateur. Destination soleil et ciel bleu, étendues sauvages et tranquilles, mer turquoise en option.

J'imagine fort bien que, dans ces conditions, venir s'aventurer dans la jungle de béton de Tôkyô, respirer à pleins poumons son atmosphère polluée et s'immerger dans la foule bardée de téléphones portables ne correspond pas forcément à votre définition du dépaysement vacancier, et que si jamais il fallait faire un hit-parade de vos destinations de rêve, Tôkyô serait sans doute en queue de liste, entre Cergy-Pontoise et les Tours de La Défense.

Mais bon, il se peut que quelque inconscient désireux de jouer la carte de l'aventurier urbain moderne se laissât tenter par la capitale nippone, et que seules quelques considérations d'ordre linguistique fassent encore obstacle à sa détermination. Qu'à cela ne tienne ! Je suis là pour essayer de régler leur compte à ces dernières hésitations ...

Le voyage en avion ne pose généralement pas de problème. Au niveau dépaysement, ce n'est déjà pas mal, surtout lorsque l'on découvre que l'on est l'un des six pauvres occidentaux perdus au milieu d'une foule de japonais – un peu comme sur le Parvis de Notre-Dame, si vous voulez. Les plus audacieux auront choisi une companie nippone (Japan Air Lines ou All Nippon Airways, au choix) et pourront ainsi se réjouir de l'originalité du menu proposé. On se surprend alors à épier discrètement ses voisins, histoire de voir comment et dans quel ordre « ça » se consomme. Pour les amateurs encore, le second film proposé au cours du vol est généralement un chef d'oeuvre du cinéma japonais, tout en silences et en sous-titres qui disparaissent au bas de l'écran.

14 heures de vol plus tard (si l'on a réussi à avoir un vol direct, bien sûr), c'est l'aterrissage, le premier contact (un peu heurté, forcément) avec la terre promise. D'ailleurs, les choses sont bien faites, c'est n'est qu'une dizaine de minutes plus tard qu'une bande enregistrée vous annonce (en français) que l'aterrissage est imminent, qu'il faut boucler votre ceinture et redresser vos tablettes. Mieux vaut tard que jamais.

Ensuite, il faut bien l'avouer, pour ce qui est du choc culturel, c'est un peu raté. Le charmant petit aéroport international de Narita ressemble à s'y méprendre à n'importe quel autre charmant petit aéroport international – un concerto pour béton et baies vitrées, une symphonie de moquette grise et de couloirs sans fin, un hymne au modernisme glacial et fonctionnel. Seuls quelques signes bizarres et inintelligibles rappellent au voyageur qu'il n'est pas, par quelque coup du sort, revenu à son point de départ.

Une fois les formalités administratives remplies, il s'agit de rejoindre Tôkyô. Tout se passe encore bien, l'environnement est encore « foreigner-friendly », et quelques mots d'anglais permettent de se débrouiller et de parvenir à destination – via le Narita Express, le plus souvent, qui permet de découvrir le temps du voyage les étendues régulièrement bétonnées de la campagne japonaise.

C'est également l'occasion de prendre un premier contact avec les longs couloirs (propres) du métro tokyoite, qui a de plus le bon goût d'être bilingue. Car si les stations ont des noms aux consonnances fort poétiques, accompagnée d'une graphie en idéogrammes qui serait du plus bel effet sur un peignoir ou une robe de chambre, les sous-titres sont toujours présents, et l'on peut ainsi se repérer sans trop de difficulté. C'est déjà ça.

Dans les rues, cela devient déjà moins évident. Oubliez les indications simples comme « prendre la rue Bidule, tourner dans l'avenue Machin-Chose, et c'est tout droit à gauche ». A Tôkyô, même les itinéraires que conseillent les guides donnent dans le vague : « prenez la sortie Nord, passez devant le poste de police avec les décorations jaunes, il doit y avoir un pont un peu plus loin, et après le pont, sur la droite, il y a une rue qui serpente avec un petit temple sur le côté, c'est dans cette direction ». Mais bon, ce n'est pas si grave, puisque même si on est perdu, après tout, on visite et c'est pour là qu'on est là, non ?

Mais il suffit de quelques jours pour trouver ses repères – et pour partir à l'assaut de la ville, carte en main et guide en poche. Le seul problème qui subsiste alors (et qui a la vie dure, même si l'on demeure plus longuement sur place), c'est l'interaction avec les indigènes. Les méthodes ont beau vous faire des promesses, il ne faut pas se leurrer, « Le Japonais sans peine », ça n'a pas encore été inventé.

On redécouvre alors les plaisirs du langage des gestes, bénissant l'habitude japonaise d'avoir des menus illustrés, avec photos ou aliments en plastique. Le « Je voudrais ça » accompagné de l'index tendu vers l'objet de ses désirs (même au McDo, parce qu'on a beau supposer qu'un Big Mac s'appelle aussi ici un Big Mac, on n'est jamais trop prudent) devient alors un élément essentiel de la survie en cas de petite faim ou de gros achat. Et finalement, on s'en sort très bien.

Un dernier conseil pour ceux qui rêveraient alors de venir contempler le Pavillon d'Or chanté par Mishima : l'été est très chaud et l'hiver plutôt gris, choisissez donc plutôt le printemps et ses cerisiers en fleurs, ou l'automne et ses frondaisons rougissantes. Et à bientôt à Tôkyô.