karoshi 27 : home, sweet home

Parmi les quelques « mythes » qui courrent sur la vie au Japon, il en est un qui revient bien souvent : les appartements japonais sont tous minuscules, avec des loyers astronomiques. Et, chiffres à l'appui, on nous montre un 20m2 à Shinjuku loué plus de 5000F par mois, avec vue sur la voie ferrée.

Après avoir testé pour vous, je puis confirmer que se loger au Japon est loin d'être une partie de plaisir – d'autant plus que ma condition d'interprète amateur pour les amis nouvellement immigrés m'a permis de renouveller l'expérience à plusieurs reprises. Et s'il est vrai que les loyers sont élevés, sans pour autant atteindre des sommets lorsqu'on les compare avec ceux des autres métropoles, il existe bien d'autres difficultés auxquelles l'expatrié en recherche de domicile fixe va devoir se frotter.

Tout commence donc par la visite d'appartement. Accompagné de la dame de l'agence, bien gentille et toujours prête à s'excuser pour un oui ou pour un non, on se retrouve donc à explorer tout d'abord les petites ruelles tortueuses de l'arrière-ville, les yeux rivés sur une carte qui, visiblement, n'est pas le territoire – sinon, nous ne serions pas perdus, c'est sûr.

Mais ce n'est pas grave, puisqu'après avoir tourné et retourné, fait une marche arrière dans une impasse le long d'une voie ferrée, plus un demi-tour sur un passage à niveau, on finit par garer la voiture et faire les cent derniers mètres à pied. Premières impressions dans l'ascenseur, et puis les joies de la découverte, une fois passée la porte – et enlevé les chaussures, cela va sans dire. On a beau avoir étudié le plan de l'appartement fourni par l'agence, la réalité dépasse parfois la fiction.

D'accord, on finit par s'habituer aux cuisinières préhistoriques avec les énormes brûleurs à gaz datant d'avant-guerre. Mais il y a toujours un petit détail auquel on ne s'attendait pas, la petite touche qui donne du caractère, la cerise sur le gâteau : l'énorme grue verte qui construit un tronçon de périphérique juste devant la fenêtre, ou la salle de bain moderne dépourvue de lavabo, ou encore le chauffe-eau mâtiné de lance-missile prêt à décoller; les murs en bois sombre à l'atmosphère étouffante, ou la double climatisation antédiluvienne (un mastodonte pour chauffer, et son jumeau pour rafraîchir), ou encore le bac pour la machine à laver le linge au milieu du salon. On a beau être préparé à tout, et finir par développer une imagination débordante ... la surprise est toujours au rendez-vous.

Mais on s'accroche, on persévère, et au fil des visites, on baisse ses exigences, et l'on finit par découvrir, sinon une perle, au moins quelque chose de correct.

Une fois trouvé l'appartement de ses rêves, on croit enfin le calvaire arrivé à son terme. Que nenni ! Car les difficultés ne font que commencer. Tout d'abord, il faut affronter les bêtes préjugés des propriétaires – car louer son appartement à un « barbare », c'est la porte ouverte à beaucoup d'ennuis. Il ne faut donc pas s'étonner lorsque, parce que vos yeux ne sont pas assez bridés, on vous explique gentimment que non, finalement, l'appartement n'est plus disponible. La première fois, c'est avec philosophie que l'on retourne à la case départ. A la troisième, cela devient de l'énervement.

Mais même si, magnanime, le propriétaire accepte de fermer les yeux (bridés, bien sûr) sur la longueur de votre nez, vous n'êtes pas pour autant au bout de vos peines. Dans certains cas, on exigera de vous un CV et une lettre de motivation, afin de prouver votre qualité intrinsèque. Parfois même, c'est tout un pédigrée qui viendra soutenir votre candidature – papa, maman, frères et soeurs, tout est bon pour garantir la bonne tenue du gaijin.

Tant de précautions peuvent paraître excessives, mais on n'est jamais trop prudent lorsque l'on traite avec les « visages roses ». Et l'on peut s'estimer heureux si l'on s'en sort à si bon compte ... car les choses peuvent aller plus loin : on vient d'exiger d'un ami s'installant avec sa chère et tendre un certificat comme quoi ils devaient s'engager à ne pas avoir d'enfants pendant la durée du bail ! On croit rêver.

Dernière étape avant de pouvoir poser son baluchon – régler les derniers points de détail, comme les frais d'agence ou le paiement de la caution. Dernière suprise, encore. Si les frais d'agence sont comparables à ce qui se pratique en France (un mois de loyer), la caution est là pour vous rappeler que vous êtes décidément bien au Japon : deux mois de caution, plus deux mois pour les clés, auxquels viennent se rajouter les « remerciements » au propriétaire – un mois de plus, qu'on aurait bien envie de lui faire bouffer. C'est donc six mois de loyer que l'on débourse d'entrée (le premier mois étant payé d'avance), dont on ne récupèrera qu'un tiers à la sortie ... dans le meilleur des cas.

Alors, un fois bien installé chez soi, on prend son temps pour faire de son nouvel appartement un petit nid douillet. Parce qu'une chose est sûre, ce n'est pas demain que l'on va déménager ...