karoshi 21 : la nouvelle saison

On ne le dira jamais assez, « C'est le printemps ! ». Et le printemps, c'est le temps du renouveau, de la nature qui reverdit, du soleil qui refait surface et de la grisaille qui disparaît. Bref, c'est comme si le monde faisait peau neuve ... D'ailleurs, il suffit de se tourner vers la télévision pour s'en rendre compte : avec la nouvelle saison, débarquent aussi les nouveaux sitcoms qui vont, durant treize semaines, captiver et faire vibrer des millions de spectateurs.

Au Japon, le sitcom est une institution. Localement appelés home-drama (à prononcer « homu-dorama »), ils sont près d'une trentaine à être diffusés sur les chaînes hertziennes chaque semaine, aux horaires les plus convoités. Il y en a pour tous les âges, pour tous les goûts, pour tous les styles – aussi bien des niaiseries romantiques à la Hélène et les garçons que les récits mettant en scène des samurai en tenue d'époque, en passant par les aventures particulairement édifiantes des pensionnaires d'une maison close avec vue plongeante sur petites culottes en option (cette dernière série étant, bien sûr, diffusée à une heure très tardive).

Il suffit d'en regarder quelques-uns pour comprendre que leur appellation de « drama » est loin d'être usurpée – même les comédies les plus légères ont leur lot de cris, de pleurs et de déchirements. D'ailleurs, il n'est pas forcément nécessaire de comprendre le japonais pour réussir à suivre le déroulement de l'histoire : la subtilité du jeu des acteurs permet tout de suite de comprendre l'état d'esprit du personnage (à choisir dans les catégories suivantes : bonheur hystérique, tristesse dévastatrice, méchanceté machiavélique, stupidité congénitale, sommeil profond).

Lors du tournage de Tôkyô Eyes (petit film léger bien sympathique, tourné à Tôkyô avec des acteurs de « dorama »), le réalisateur (français) expliquait que beaucoup de scènes avaient été « volées » aux acteurs, alors que la caméra tournait à leur insu – et ce, afin d'éviter le jeu outré auxquels ils étaient bien trop habitués.

On dira pour leur défense que les scénarii auxquels ils sont habituellement confrontés n'exigent pas beaucoup plus de leur part, et qu'il est bien rare qu'un épisode ne se déroule sans quelque demoiselle en pleurs qui rabaisse Emma Bovary au rang de midinette effarouchée. Quelques actrices développent ainsi une spécialité que l'on vient à reconnaître, comme par exemple le « sprint larmoyant » (version grandes eaux), ou la « boudeuse pleureuse » (version douleur intériorisée).

Il faut reconnaître qu'un jeu d'acteurs aussi simpliste est parfois bien utile pour réussir à suivre les méandres d'un récit souvent tortueux, mettant en scène moult triangles amoureux, d'innombrables rivalités et des familles pour le moins difficiles. Ceci dit, si jamais le fil de l'histoire vous échappe, il suffit de vous tourner vers votre programme télé favori : là, avec force schémas explicatifs et tableaux en couleurs, sont décryptées et examinées les relations existant entre les personnages.

Pour le reste, c'est assez facile, du moment que l'on prend pour principe que tout ne peut aller que de mal en pis au fil des rebondissements, jusqu'à la conclusion qui généralement sacrifie à la tradition du happy end – tradition qui s'applique beaucoup plus rarement aux drama de samurai, où l'on brûle et l'on s'étripe abondamment tout en versant des torrents de larmes.

C'est là que s'exerce la magie du sitcom, ce côté terriblement addictif qui vous oblige à regarder l'épisode suivant, juste pour voir ce qui va se passer après – alors que l'on déclare à qui veut l'ententre « non, c'est pas terrible, et puis c'est quand même un peu con-con », sans oser reconnaître qu'effectivement, on est accro.

Mais comment y échapper ? Outre le fait que les diverses chaînes font largement la promotion de leurs nouvelles séries phares, il est quasiment impossible de faire un pas dans le métro sans rencontrer une actrice en vogue faisant la publicité pour un téléphone mobile ou pour une boisson gazeuse (la star du moment : Norika Fujihara, omniprésente dans plus de 5 campagnes de publicité – et qui prouve que l'on arrive à se lasser des plus jolies choses).

Alors, je me suis résigné. Et, de temps en temps, moi aussi, je me branche devant un homu-dorama. Mais bon, c'est pas terrible, et puis c'est quand même un peu con-con ...