karoshi 12 : entrez, c'est ouvert ...

« Attention, Tower Customers : we will have no closing day this month ». C'est toujours avec un peu d'étonnement que je découvre ces petites affiches sur les murs du Tower Records. Pourtant, aujourd'hui, c'est le 11 Février, la fête nationale japonaise. Pourtant aujourd'hui est un jour férié. Et pourtant, aujourd'hui et comme toujours, tous les magasins sont ouverts.

Ici, pas de loi interdisant l'ouverture le Dimanche. A Akihabara, certains magasins annoncent fièrement qu'ils sont ouverts 365 jours par an, sauf les années bissextiles bien sûr. Une législation existe, comme l'indiquent de temps en temps les affiches du Tower Records : « On est vraiment désolés, mais là, ce mois-ci, à cause de la loi sur les grands magasins, on est obligés de fermer le 8. Désolé vraiment, so sorry, pardon pardon. » On les pardonnera pour cette fois-ci. Comme on pardonne la boulangerie-patisserie du coin qui alimente de temps à autres nos petits déjeûners, et qui fait porte close le troisième Lundi du mois.

Bien sûr, il y a le cas à part des banques. Bon, vous me direz, en France aussi. Mais comme les banques japonaises ont à peu près les mêmes horaires qu'une banque française, en un peu plus relax encore si possible (fermeture vers quinze-seize heures), le contraste avec les magasins avoisinants est encore plus frappant. (Comme est tout à fait incompréhensible les horaires de fermeture des distributeurs automatiques, mais c'est un autre Karoshi Report.)

Le problème, c'est qu'on s'habitue bien vite à cette facilité d'achat, on prend goût à cette consommation immodérée. On fait du Dimanche son jour de course, et – comble du comble – on prend note des magasins qui vont un peu plus loin et proposent des horaires d'ouverture défiant toute concurrence (il d'ailleurs assez facile de reconnaître les magasins sur le point de fermer leurs portes : ils ont pour coûtume d'accompagner leurs derniers clients d'un Ce n'est qu'un au-revoir version musique d'ascenceur qui surprend toujours lorsque l'on est au rayon Hard Rock ou Techno). Et bientôt, on devient un snob de l'ouverture tardive, un spécialiste du nocture, un afficionado des courses en soirée.

Il y a ensuite, pour les plus hardis ou les plus fêtards, la recherche de la consommation de l'extrême. L'hebdo Tôkyô Classified (l'un des deux gratuits destinés à la population étrangère de la capitale nippone) consacrait ainsi l'un de ses derniers numéros à ces magasins un peu à part, qui offraient lumière et chaleur jusqu'à des heures indûes – et citait notamment le Aoyama Book Center de Roppongi, ouvert tous les soirs jusqu'à ... 5h30 du matin.

Alors, en dehors d'une envie subite de lecture lors d'une crise d'insomnie, on ne voit pas vraiment quel pourrait être l'intérêt d'une telle information. Détrompez-vous ! Quand l'on sait que le dernier métro est à minuit, et que l'on vient de le rater ... c'est toujours une bonne occasion d'aller se cultiver, à l'abri des rigueurs hivernales, en attendant le premier train autour de 5h.

Mais il y a mieux encore : les combini. Alors, ne vous méprenez pas, cela n'a rien à voir avec un bikini, même si les mots se ressemblent. C'est juste l'abbréviation japonaise de « convinience store », ces magasins ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Pas besoin de chercher trop loin, il s'en trouve à tous les coins de rues, sous diverses enseignes : Lawson, Family Market, am/pm ... et les fameux Seven Eleven, qui répondent ici au doux nom de « Séboune, il est boune ». A l'intérieur, et sur une surface éminemment réduite, un choix incroyable de produits, des lames de rasoir aux disques optiques en passant par les magazines et les jeux vidéos.

En vedette bien sûr, la nourriture : on découvre dans les rayonnages toutes les marques possibles et imaginables de Cup Noodle (Bolino en version locale), accompagnées d'un assortiment de chips aux parfums improbables (barbecue-crevette, ou fromage-pieuvre), des yahourts vendus à l'unité, et pour les plus gourmands, un choix de plats chauds à emporter. L'on ne sait que choisir ...

Mais le combini ne permet pas seulement de caler les petits creux : on peut également venir y acheter des timbres, y envoyer des colis en express, et même y payer ses factures (téléphone, eau, gaz, électricité). Et ça, c'est quand même bien pratique.

Mais foin de tout cela. Avant de pouvoir dépenser sans compter, le Dimanche et les jours fériés, il faut bien travailler pour gagner son bol de riz quotidien. Dont acte. A la semaine prochaine,