karoshi 1 : tôkyô by night

Trois heures du matin. Je viens de laisser mes petits camarades à l'hôtel, et je rentre à pied chez moi. Ce n'est pas bien loin, juste une quinzaine de minutes à pied. De plus, on a beau être en Octobre, il fait ici une chaleur estivale.

Il est trois heures du matin, et le quartier que je traverse est déjà allé se coucher. Il faut dire que les Japonais ne sont pas vraiment des couche-tard. La veille, nous étions allés dans un « disco », comme on appelle les boites de nuit ici. A huit heures du soir, la salle était déjà pleine. Mais les douze coups de minuit sonnèrent la fin de la soirée pour les quelques vaillants qui étaient encore là, Cendrillons courageuses qui risquaient de rater le dernier métro.

Pour trouver un endroit ouvert après minuit, il faudra sans doute se tourner vers les quartiers chauds – Kabukichô à Shinjuku, par exemple. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait ce soir, alors que nous cherchions un bar où prendre un dernier verre, sans succès. Mais même à Kabukichô, les rues semblent plus vides que d'habitude, on y trouve une sorte de désolation étrange qui souligne encore plus l'agressivité des « rabatteurs » des divers établissements, qui nous promettent monts et merveilles avant de nous insulter quand ils voient que nous ne sommes pas intéressés.

Finalement, c'est dans un karaoke que nous avons échoué. Et ici, pas de risque de martyriser ses voisins : on nous installe dans une petite salle insonorisée, dans laquelle on s'amuse entre amis sans avoir à supporter les fausses notes d'inconnus. Pas vraiment l'idéal s'il l'on veut faire des rencontres ... Au menu, un énorme annuaire réparti en trois sections Japonais / Anglais / Coréen, boissons et en-cas que l'on peut commander en utilisant le téléphone relié à la réception.

C'est donc sur le coup de deux heures du matin que nous sortons de la salle enfumée, la voix éraillée (par le tabac, l'alcool ou la chansonnette). Et là, il faut trouver un taxi pour rentrer à l'hôtel. Pas de panique : la nuit, Tôkyô appartient aux taxis.

Avoir une voiture à Tôkyô n'est ni abordable ni pratique : la législation oblige de posséder une place de parking pour garer sa voiture, et la circulation est au mieux dangereuse, au pire cauchemardesque. Même dans la journée, près des deux tiers des véhicules sont soit des utilitaires, soit des taxis. Mais une fois la nuit tombée, les taxis règnent en maîtres.

Témoin cette photo que je prends sur le chemin du retour, dans les rues encore illuminées de néons qui ne s'éteignent jamais. Une longue colonne de taxis, semblables à ces chenilles processionnaires dont ils possèdent les couleurs éclatantes. Plus loin, des taxis sont à l'arrêt, attendant quelque client, et si quelques conducteurs sont dehors, à discuter et à griller une cigarette, la plupart d'entre eux somnolent sur leur siège inclinable.

Un instant, j'ai l'impression d'être de retour à Paris, rentrant de Belleville jusqu'à Beaubourg, à cette heure où tout est tellement silencieux que l'on entend presque la ville respirer. Il est trois heures du matin, et comme Paris, Tôkyô dort.